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eDEN#6 Petite ordonnance pour la e-culture

Très chers ami(e)s ravers, "science sans conscience n'est que ruine de l'âme", comme le disait il y a 500 ans un tourangeau de grand renom. Donc, par ces longs week-ends speeds et colorés où l'on s'agite dans les déferlantes sonores et autres bonheurs chimiquement altérés, ne serait-il point bon de comprendre comment fonctionne, dans nos cervelles d'oisillons, cette substance nommée MDMA? Peu d'études ont été menées sur les effets à long terme de cette dope vieille de 80 ans, inventée par les pharmacologistes de la société allemande Merck. Les médecins Anglais commencent désormais à y regarder de près, car on estime là-bas à un demi-million le nombre d'usagers hebdomadaires de la pilule d'amour: evil bless rav-E-culture! Bien qu'il soit difficile, éthiquement, de donner des X à des cobayes humains, certains ravers à problèmes sont suivis médicalement par une équipe du Guy's Hospital de Londres. On commence donc à en savoir un peu plus sur l'euphorique chimie de ces bonbons.

(1) Fonctionnement de la molécule

Après un passage plutôt délicat par le foie (le MDMA est passablement indigeste), la molécule va relancer dans le cerveau la production de sérotonine. Neurotransmetteur naturel du cerveau, la sérotonine régit d'autres neurotransmetteurs plus subtils, qui commandent aux humeurs et à l'affect. D'où le grand pouvoir émotif procuré par l'E. Lorsque la sérotonine débarque sur les synapses (les connexions entre neurones), elle va y rester pour quelques heures, bloquant le passage. Gonflés à bloc en sérotonine, les neurones voient la vie en rose.

(2) Les dangers de l'E

Bien moins dangereux que l'héro et la coke, l'E ne rend pas le cerveau "junk". Mais les Anglais ont quand même enregistré, depuis 1990, sept décès d'E-boys and girls. Pourquoi? La sérotonine entraîne aussi la production d'autres neurotransmetteurs, comme la dopamine et la noradrénaline. Un flot trop important de noradrénaline sur l'hypothalamus rend cette glande, qui régule les fonctions corporelles, incapable de répondre correctement au dégagement de chaleur induit par la danse. Il en résulte une hyperthermie et une accélération cardiaque qui peut-être fatale si l'extasié ne se réhydrate pas régulièrement. Outre certaines combinatoires génétiques que personne ne peut prévoir (on ne sait pas, a priori, si l'on est ou non épileptique), les principaux responsables des décès restent les patrons de boîtes qui refusent de servir de l'eau et bloquent les robinets des toilettes. Refuser de l'eau à toute extasié en pleine témon peut être mortel. Tout comme l'empêcher de sortir prendre l'air. Qu'on se le dise: ces refus de commerciaux inconséquents entrent bel et bien dans le cadre de la "non-assistance à personne en danger". Lorsque les effets de l'E se terminent, les neurones sérotoninés se vident d'un coup, avec comme conséquence ce down démoralisant assez redoutable. Rien de si grave, cependant, qui ne puisse être enrayé par un 1/4 de Lexomil, ou, mieux encore, par un bon massage. À éviter: les bains trop chauds ou trop froids. C'est plus sympa pour le cÏur qui, à ce stade, a déjà beaucoup donné.

(3) L'E détruit-il la cervelle?

Les rats et les singes ont bien de la chance, eux que l'on gave régulièrement de fortes doses de MDMA en laboratoire. Résultat: pris quotidiennement à dose humaine (100 mg), les neurones dégustent. Certains deviennent incapables de produire de la sérotonine. D'autres voient les fibres de leurs synapses rongées, même si les cellules des neurones sont moins atteintes. Bref, si le logiciel tient le coup, le disque dur se vérole. Il s'ensuit, chez les singes (et les poupées Duracell à 160 BPM) de sévères états dépressifs, des perturbations importantes du sommeil et un état de psychose chronique lourd à porter. S'il n'y a toujours pas de manque, on observe d'importantes dégradations de la mémoire à court terme. Mais, personne ne sachant vraiment si les neurones sont capables ou non de se réparer, faire du MDMA un neuro-killer est hasardeux. Les fibres qu'il ronge sont susceptibles de se régénérer. Mais le gène des neurones: notre précieux bien? Certaines études prouveraient que le MDMA attaque les gènes des neurones. Résultats contestables: ces essais, réalisés in vitro, utilisent des doses que n'atteindra jamais le plus barré des ravers, même avec cinq E dans le sang! En conclusion, l'E n'est pas franchement une drogue récréative et innocente. Elle peut être dangereuse. Tout dépend des circonstances: déshydraté et mal entouré, ça peut mal tourner. Comme le LSD, l'E agit sur les émotions, le rappel des souvenirs, les humeurs, l'appréciation de l'environnement. Si quelque chose de pas cool vous turlupine le cervelet quand vous gobez, mieux vaut être bien entouré, et ne pas prendre la chose seul. Après tout, l'E n'est-il pas avant tout rituel communautaire?

Nombre de décès dus à la consommation de drogues en France pour l'année 1992: CANNABIS: O, LSD: O,  AMPHÉS: 2, COKE: 4, E: non évalué, HÉRO: 153 ALCOOL: 30 000, TABAC: 10 000, TELEVISION: ?

Dr. LA CHAMPI