Le choeur séM/Mantique
par Sylvie Boulanger, cneai, chatou, 2004

M/M (Paris), soit Michael Amzalag et Mathias Augustyniak, pratiquent l’association des images dans le monde réel comme aucun psychanalyste n’a jamais osé l’espérer pour ses meilleurs patients. Il en résulte une immense liberté dans le choix des corpus, doublé d’une précision intolérante quoique lumineuse pour les mises en formes. Refusant le référent culturel comme l’eau refuse l’huile, le duo M/M (Paris) dessine ses territoires sémantiques et esthétiques en résistance aux propositions qui leur sont faites, réagissant aux contacts de toute image banalisée, normalisatrice, prosélyte ou monosémique. Or, le terrain actuel est plus qu’hostile en la matière si l’on considère la main-mise des effets de tendances dans tous les domaines. Comment s’étonner alors que leurs déplacements ne sont pas linéaires puisque ce sera justement dans les figures et les rebonds qu’on trouvera à les connaître.

Il n’y a donc pas de projet (et encore moins de stratégie) dans la nature erratique du tracé qu’ils produisent. La prévision, vision déconnectée de toute confrontation, de toute résistance au culturel serait contre-productive puisqu’on l’aura compris, les M/M (Paris) rebondissent au grés des aventures artistiques et éditoriales de tous ordres, errant au sens de la tradition héroïque et revivifiant au passage les signes au lieu de redresser les torts.

C’est ainsi que, tel le choeur (sém)antique, M/M (Paris), lancent et relancent par-dessus nos épaules un graphisme bruyant qui nous manque souvent mais que parfois on attrape à la manière d’une contagion. Vous attrapez ce qu’ils ont, plutôt que ce qu’ils font. D’abord vous êtes en dehors face à cette musique percutante qui ponctue et commente l’action du jour, à regarder, et puis parfois vous êtes dedans, à l’intérieur de ces ornements complexes et engagés.

A une époque où tout le monde est intelligent, où beaucoup s’approprient les réflexes la pensée professionnelle, de la méta-pensée, de la pensée référencée, tournée sur sa méthode et sa scientificité, auto-démonstratrice de sa rigueur intellectuelle, le duo (déjà une preuve) applique les talents de l’amateur à leur profession de graphistes. La pensée amateur, elle, a l’obsession militante du sujet. Utilisant des chemins magnifiquement sinueux et pas toujours économiques, elle absorbe la distance. M/M (Paris) réhabilitent la subjectivité comme complémentaire jubilatoire de la distance intelligente.

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